…Tu veux savoir qui va me croire? Mais ca m'est absolument egal… Le temps passe
et je sais qu'on ne croit toujours pas aux histoires imaginees et c'est, en
fait, ce que me rend triste… Parce que ce genre d'histoires est sans doute d'une
sincerite unique – une personne ne peut mentir quand elle imagine, car en ce cas
elle n'a pas pour but de faire mal a personne, et les mensonges, ca se fait pour
blesser… Peut-etre, toi, tu ne vas me croire non plus, mais au moins, j'espere
que ca te fera un peu de bien…
Je ne me souviens plus quand exactement cela s'est passe. La date precise s'est
effacee completement de ma memoire, mais dis-moi, est-ce qu'on tient vraiment a
la precision quand il s'agit des sentiments? C'etait un de ces matins
ensoleilles que le mois de novembre nous octroie parfois avant que l'hiver ne
nous couvre de son edredon blanc. Il etait froid, extremement froid et l'or
cisele des arbres brillait sur le velours du ciel. J'ai decide de profiter de ce
beau jour et de me promener un peu dans les rues etroites du Montmartre. Oh non,
je ne vais pas te citer leurs noms et autres choses inutiles – peu m'importe un
petit nom d'une petite rue, c'est l'histoire qui compte! Et ce qui compte
vraiment, c'est l'Autobus. Celui qui etait la et qui m'attendait depuis que je
suis nee, le vieux 166, Porte de Clignancourt. Je ne me souviens plus sa
destination mais ca, Porte de Clignancourt, reste grave dans ma memoire pour
toujours. Tout comme le Marche bien sur. Le marche aux puces. Le plus grand en
France, en Europe, dans le monde… Ces guides touristiques sont vraiment aptes
pour dire ce genre des betises! Le marche tel quel m'interesse encore moins que
les noms des rues monmartroises. En fait, je dois t'avouer que je ne l'ai pas
vu, le marche. Je n'ai fait que quelques pas quand le monde s'est renverse…
Lui, il marchait a ma rencontre et il souriait. C'etait comme si le deuxieme
soleil est apparu dans le ciel… Il etait vetu d'un jean decolore et il avait
cette allure nonchalante – un grand garcon aux cheveux frisees et a la sourire
ravageuse. Il m'a prit par la main - la droite, si tu veux - et on est parti.
Parti pour un voyage d'amour et de tendresse absolue. Parti pour les mondes ou
le malheur n'a pas le droit d'exister. Parti. Tout simplement, sans penser a
demain. Et je ne me souviens plus si l'on s'etait dit bonjour…
Bien sur, je suis ici, devant toi. Mais en meme temps je suis la, avec lui et
j'y reste pour toujours. Les pleurs m'envahissent chaque fois que je pense de
cette rencontre et maintenant, quand j'ecris ces lignes, j'espere que toi, tu
vas me comprendre…
Ah bon, on connais la chanson – "l'habitude nous sert de ciment quotidien…
notre lit n'est qu'un lieu ou nos corps se reposent… on est presque content
de…" Mais ce matin, le matin de depart, ca n'est pas encore arrive. Ca
n'arrivera jamais! Ce jour de novembre, il est pour durer toujours, car j'ai
parvenu a arreter le cours du temps… Nos vies se sont faites a leur
metamorphose…
Depuis de temps en temps on reprend l'autobus
Le cent soixante-six, direction Clignancourt
Et on va faire un tour dans ce marche aux puces…
Moi, j'en fait, ce tour. Chaque annee, le 5 novembre, je pars pour le marche
aux puces. Bien qu'on m'aie dit qu'il n'y a plus de cent soixante-six.
Kate
le 5
novembre 2002
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