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Biographie: 1938-1964, 1965-1968, 1969-1974, 1975-1980

 

1965-1968

1965

    II a bien raison. Pressé à 1 000 exemplaires entre le 5 et le 12 février, le disque n'est quasiment pas distribué. L'accueil mitigé qu'il reçoit de la part des radios périphériques, sans qui rien n'est alors possible, ne pousse pas CBS à persévérer. Monique Le Marcis de Radio Luxembourg et Lucien Leibovitz d'Europe Un, sont les deux seuls à le programmer. Ils sentent en Joe la fibre des grands. En mars et avril, le moral est au plus bas. Joe, qui ne voulait pas devenir chanteur il y a à peine quelques mois, s'est piqué au jeu. Maintenant, il n'accepte pas l'échec de son premier disque et veut faire ses preuves en tant qu'interprète. Avec CBS, il décide de tout reprendre à zéro. Du 7 au 14 mai, Joe rentre à nouveau en studio avec le même Oswald d'Andréa. En trois séances, il enregistre les quatre chansons du deuxième EP (Extended Play) qui sont avant tout des "covers" (adaptations). Publié au mois de juin, le disque est pressé à 2 000 exemplaires. Ces derniers sont mis sur le marché, alors qu'en juillet, un pressage promotionnel est envoyé aux radios. Rien n'y fait, le tube de l'été appartient à d'autres... Ces deux échecs galvanisent Joe qui désormais s'accroche à cette carrière de chanteur dont il ne voulait pas. Il court les éditeurs, cherche des adaptations pour son troisième essai qui doit être le bon. A la fin de l'été, il tient "son" tube, "Shame And Scandal In The Family", un succès américain, qu'il propose de faire en français. Le directeur de CBS hésite... Trop tard ! Sacha Distel, qui vient de signer chez Pathé-Marconi, a besoin de matériel et l'enregistre. Les Surfs, qui cherchent un second souffle chez Festival, font de même... Bilan : un énorme succès pour les deux et une colère noire pour Joe qui menace de changer de maison de disques. Si les résultats de Joe ne sont pas fameux, CBS France n'atteint pas non plus les résultats escomptés par CBS-USA. La direction new-yorkaise décide donc de remplacer le directeur de la filiale hexagonale. Elle choisit Jacques Souplet, qui sort d'une expérience positive avec les disques Barclay, et qui décide de tout changer rue de Paradis. A commencer par les bureaux. C'est dans un hôtel particulier du XVIème, au 3, rue Freycinet, que s'installe ce qui va devenir une des principales majors françaises. Joe décide de patienter et d'attendre les résultats de cette nouvelle équipe qui lui promet de prendre en main sa carrière. Une nouvelle séance en studio est programmée les 21 et 22 octobre. Joe sait que c'est quitte ou double. Soit le disque est un succès, même modeste, soit il ne marche pas, et des décisions s'imposeront. Le troisième super-45 tours ne compte que des adaptations, les meilleures que Joe peut décrocher. A une époque où les éditeurs réservent leurs meilleures chansons aux vedettes confirmées. Johnny ou Cloclo sont les premiers servis. Joe doit se contenter des restes. Signées Rivat, deux adaptations sont écrites sur des chansons brésiliennes qui triomphent dans les pays anglo-saxons. Très vite après l'enregistrement, du 5 au 9 novembre, 4 000 EP sont pressés, suivis de 1 300 simples promotionnels le 19 novembre. Ouf, le disque marche en radio. 20 à 25 000 copies seront vendues. Même si, pour "Guantanamera", la version de Nana Mouskouri et celle des Compagnons de la Chanson, qui font également partie depuis peu de l'écurie CBS, réalisent de plus grosses ventes. "Bip-Bip", contrairement à "Guantanamera", est un succès qui lui est propre. Même s'il passe plus en radio que chez les disquaires, qu'importe ! Un pas de géant vient d'être franchi : Joe s'est fait un prénom. Jacques Souplet étoffe l'écurie CBS, signe de nouveaux contrats et n'a pas vraiment le temps de s'occuper de Dassin. Il voit bien que ce dernier a besoin d'un producteur, de quelqu'un pour le piloter, le conseiller. Il a bien une idée... Un producteur génial vient de se rendre disponible. De plus, il lui semble très proche de Joe. Comme Joe, il est fou de jazz, il a fait des études de droit, il connaît l'Amérique et les Américains. Côté "métier", il a édité en France les premiers disques de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker, a travaillé chez Pathé avec Aznavour, a lancé la marque Capitol en France, avant d'être directeur artistique, chez Philips, de Gainsbourg et Hallyday. Pour finir, il a été le premier producteur indépendant chez Philips et a "fait" Sheila avec Claude Carrère. Depuis le 13 septembre, il s'est séparé de ce dernier. Il est donc disponible. L'occasion est trop belle. Souplet sait que Jacques Plait est l'homme de la situation. Reste à le convaincre. Les deux Jacques se rencontrent et tombent d'accord sur un éventuel statut de producteur indépendant auprès de CBS pour Jacques Plait. Une seule condition laisse le contrat en suspens. Le courant doit passer entre Plait et Dassin. Un rendez-vous est pris pour un déjeuner de fin d'année entre les trois hommes. Le professionnel redoute ce qu'il croit être un fils à papa. Dassin craint le pire et ne sait pas comment il acceptera d'être managé. Le 31 décembre, entre le fromage et le café, le verdict tombe. Juste après les défenses naturelles de chacun. Plaît explique, Dassin écoute, Souplet boit du petit lait. Le courant passe. En continu. L'histoire est en marche. Après le déjeuner, Jacques Plait, qui rentre chez lui à Sceaux, dépose Joe devant son domicile boulevard Raspail.

    La poignée de mains qu'ils échangent l'atteste : un contrat vient d'être signé dans un sourire. Il n'y en aura jamais aucun autre.

1966

    Joe a d'autres chats à fouetter, Maryse le "convoque" en mariage. La cérémonie est fixée au 18 janvier, dans le XIVème. S'il accepte de s'y rendre, il refuse tout net la présence de ses amis ou de sa famille, toujours très marqué par l'échec du mariage de ses parents. Interdisant l'accès de la mairie même à Catherine Régnier. Bougon ce matin-là, sur le chemin qui le mène à la mairie, il croise par hasard son ami et parolier Jean-Michel Rivat. Celui-ci lui demande où il va. Quand Joe lui annonce la nouvelle, il n'en croit pas ses oreilles et décide de suivre Joe jusque chez Monsieur le maire. Dans une ambiance on ne peut plus intime, Joe enterre sa vie de garçon. S'ensuit une noce dans un restaurant russe, où il finit ivre mort. Joe Dassin est marié. Jacques Plait ne tarde pas à se manifester. Il faut trouver des chansons, les faire adapter, trouver des musiciens, un studio... car l'époque n'est plus aux studios intégrés des maisons de disques et aux musiciens fonctionnaires. Joe commence à travailler avec celui qu'il ne tardera pas à baptiser Jacquot. Beaucoup boulot et peu dodo. Après plusieurs semaines de recherche, le tandem est séduit par quatre titres anglo-saxons dont une chanson américaine, "You Were On My Mind". Les adaptations sont demandées à Rivat qui signe "Comme la lune", mais aussi aux grands du métier. L'un d'eux, André Salvet adapte "The Cheater", qui devient, à la demande de Dassin, "Le tricheur". De bonnes mélodies et de bons textes ne suffisent pas, Jacques Plait sait que rien ne doit être laissé au hasard. Claude François et Richard Anthony enregistrent à Londres, Joe Dassin doit, lui aussi, aller enregistrer à Londres, se dit-il, sans y croire vraiment. Il est vrai que Joe n'a pas encore fait ses preuves. Plait demande. Souplet accepte. Décidément, le poulain de CBS a la confiance de sa compagnie...

    Mais, les problèmes ne s'arrêtent pas là pour autant. Jacques Plait doit trouver un chef d'orchestre, faisant office d'arrangeur. On propose à Plait trois noms et trois numéros de téléphone, le premier est absent, le second décroche, c'est Johnny Arthey, le troisième ne saura jamais ce qu'il a manqué. Dans le froid de l'hiver 1966, Joe et Jacques prennent l'avion pour Londres, et rendent visite à Arthey qui travaille chez l'éditeur Feldman Music, 64, Dean Street à Soho. Très vite, Jacques et Joe se rendent compte qu'ils ont affaire à ce qu'on n'appelle pas encore une pointure. Ils lui présentent les chansons qu'ils veulent adapter. Marché conclu, Arthey a saisi l'ambiance qu'ils veulent donner au disque. Il sera l'arrangeur en studio de Joe. Pour toujours. Un jour gris de début mars, Joe est fébrile. Les musiciens choisis par Arthey enregistrent ses musiques pour sa tonalité de baryton basse, au Lansdowne Recording Studio de Londres. Quelques jours après, Joe fait les prises de voix à Paris, dans un ancien cinéma désaffecté, le studio Davout, un des premiers studios indépendants. Ces 22 et 23 mars, "You Were On My Mind" devient "Ça m'avance à quoi", le titre phare du quatrième disque. Souplet sort le disque très vite, en avril, Dassin étant absent des rayons des nouveautés depuis plusieurs semaines. Le vinyle est édité en super et aussi en 45 tours simple. C'est également durant cette année 1966, que Joe devient l'animateur d'une série d'émissions radio, "Western Story", sur les antennes de Radio Luxembourg. Le trio Rivat-Plait-Dassin est très farceur. Il lance Edouard qui chante "Les hallucinations", en réaction à Antoine et "Ses élucubrations". Edouard, à la protest song contestable, n'est autre que Rivat déguisé avec une perruque de cheveux longs et une barbe de prophète. Vogue contre-attaque en justice, gagne, et le super-45 tours doit être retiré. Un second simple d'Edouard est mis sur le marché, puis un troisième, mais le plus gros canular de l'histoire du showbiz français sombre dans l'oubli. En revanche, l'été réussit à Joe qui commence à passer sur les ondes avec "Ça m'avance à quoi". A la rentrée, on parle d'un premier album. En attendant, le marché réclame un nouveau disque. Ce sera un simple avec deux chansons, un disque comme on en donne aux exploitants de juke-box. C'est une grande première. Depuis les débuts du microsillon en France, les maisons de disques ont toujours misé sur le super-45 tours quatre titres, plus rémunérateur. Avec le fléchissement du marché, Souplet décide de relancer la formule du simple commercialisé, comme dans les pays anglo-saxons. Cependant, il donne à ce disque un atout massu, une pochette en couleur, dans un premier temps cartonnée. C'est le début de la série Gemini chez CBS. Joe Dassin est l'un des tout premiers artistes français à tester ce support. Il va l'imposer. Trois ans après, toutes les autres maisons de disques auront suivi le mouvement. Joe enregistre à Davout deux titres les 19 et 20 octobre. Une deuxième version de "Guantanamera" et l'adaptation d'un traditionnel, "Katy Cruel". Ce simple doit permettre de faire patienter jusqu'aux fêtes de fin d'année, date (idéale) prévue pour la sortie de l'album. Patatras ! Les musiciens français se mettent en grève. Plait décide de s'exiler dans un studio anglais. Peine perdue, le mouvement de grève gagne la perfide Albion. Il n'y a plus qu'une solution : enregistrer à New York. Jacquot n'ose pas y croire. Joe y rêve. Souplet donne le feu vert. Le 27 octobre, un avion décolle d'Orly pour New York. A son bord, deux hommes (et leurs épouses, Maryse et Colette) armés de plusieurs chansons. Les séances ont lieu au studio 30th street avec Stanley Tonkel comme ingénieur du son. Six à sept titres sont enregistrés le 31 octobre, ainsi que les 3 et 4 novembre. Après les séances, Joe en profite pour présenter "son" pays à ses amis. Empire State Building, Madison Square Garden, Broadway... et le monument le plus impressionnant de tous à leurs yeux : le building CBS, 52nd Street. Tard, ils rentrent se coucher. Joe et Maryse chez Béa, Jacques et Colette au Waldorf Astoria. La petite troupe a cependant une autre tâche. Faire des photos de Joe à New York pour la pochette de l'album, mais aussi pour la presse qui va adorer l'idée du bel Américain à Paris reparti enregistrer dans sa ville natale. Don Hunstein fait des dizaines de clichés. L'un d'eux est pris au pied de l'immeuble Time Life, alors que Joe est appuyé sur une moto, une Harley, dont il ne connaît même pas le propriétaire. "La Harley de Joe" finira bientôt en recto d'album et fera rêver une génération entière. Un dernier regard sur Kennedy

    Airport, et l'avion redécolle pour Paris. CBS décide de sortir un cinquième EP en même temps que le premier LP (Long Play). Le premier sort le 17 novembre, le second le 18. Le succès est rapide. "Excuse Me Lady" entre dans les hits pour Noël. Les ventes s'envolent.

1967

    En janvier, André Salvet et Bernard Chevry créent le MIDEM. Peu de professionnels y croient. Plait, qui connaît Salvet et qui lui doit beaucoup, décide de soutenir le projet. Il s'y rend avec Joe, Maryse et Colette. Pour le logement, on leur prête un yacht, ancré dans le superbe vieux port de Cannes. Les journalistes sont nombreux à ce premier rendez-vous du show-business mondial, les stars encore rares. Seuls les débutants s'y sont déplacés, et Joe est la proie préférée de la presse. Quoi de mieux qu'une interview du fils de Jules Dassin dans la capitale du cinéma ? Mais, Joe sait que jouer ce jeu lui sera fatal. Pour l'heure, il préfère se priver d'articles dans la presse, et se contente de présenter le gala des trophées du premier MIDEM. Même s'il ne chante pas, toute la presse remarque ce beau garçon qui présente le spectacle avec aisance. Et en deux langues, s'il vous plaît ! Le lendemain, sans avoir chanté, de semi-vedette, il est devenu vedette à part entière.

    Si "Excuse Me Lady" marche convenablement, il faut cependant penser au titre suivant. Et Plait, à Cannes, ne pense qu'à ça. Trouver un titre qui permette d'aller encore plus loin.

    Un matin, sur le yacht, Dassin s'apprête à sortir sa guitare à la main. Etonné, Plait l'intercepte. Dassin lui apprend qu'il veut faire écouter à Henri Salvador une chanson qu'il a faite avec Jean-Michel (Rivat) et Frank (Thomas) et qu'il ne pourrait, d'après lui, chanter lui-même. Curieux, Plait veut l'entendre. Joe en a décidé autrement. Les deux hommes s'affrontent. De longues minutes. Plait l'emporte. Dassin la chante appuyé au bastingage... "Taka ta ka ta, voilà les Dalton, ta ka ta ta ka ta, y a plus personne..." Jacques est livide. Joe, placide, ne comprend pas. La lueur dans le regard de Plait l'éclairé à son tour : "Non, je ne la chanterai pas ! Elle n'est pas pour moi..."

    Plait, qui tient son tube, n'est pas près de le laisser s'envoler : "Je t'interdis de la donner à Salvador !.." Et bing et bang ! Joe baisse les bras, il enregistrera une chanson de cow-boy. Pour la première et la dernière fois. C'est dans le contrat. Reste une ombre au tableau : les tournées, qui sont déterminantes pour la promotion. Joe rencontre l'imprésario Charley Marouani. Sans y croire. Ses souvenirs de scène ne sont pas très bons. A l'Ancienne Belgique à Bruxelles, en 1966, le bide a été retentissant. Peut-être à cause de l'orchestre local qui n'était pas performant. Qu'importe, Joe tremble d'affronter le public. Charley Marouani le rassure et lui propose la première partie d'Adamo. Banco. Le 9 mars, la tournée débute à Vire. Très vite, il impose son répertoire au public et au tourneur, Georges Olivier, qui augmente son cachet. Entre deux dates de gala, en avril, Joe et Jacques sont de nouveau à Londres pour les quatre titres du sixième EP.

    Quelques jours après, à Davout pour les voix. Comme un choriste anglais a du mal à enregistrer la voix du shérif en intro dans "Les Dalton", Jacques Plait se colle devant le micro pour lui montrer l'exemple. Une fois, deux fois, vingt fois. Le magnéto tourne, Plait déclame, l'Anglais bafouille. La scène vire au cocasse. Et le texte est dit avec une telle maestria par Jacquot que Joe et l'ingénieur du son, morts de rire, décident de conserver cette version. Jacques ne sait pas encore que des émissions de télé et un tournage de scopitone l'attendent. Le seul de Dassin. Joe veut mettre "Viens voir le loup" en face A, Jacques n'en démord pas. La saga des quatre ennemis jurés de Lucky Luke est un énorme tube. Elle doit figurer en face A. Dans les deux autres titres du EP, l'un est de Claude Lemesle. Joe a rencontré ce dernier lors d'une soirée de jeunes talents au Centre américain, situé en face de chez lui. C’etait une soiree d’ete et Joe est venu pour chercher un joueur de banjo. Il ne trouveras pas de joueur de banjo mais une chanteuse, Michele Cherdel, qui deviendra Vava du “Big Bazar”. Par la meme occasion, il va trouver aussi un auteur et un ami. Voila, Joe regarde Lemesle du haut de son metre 85 myope et il lui dit avec une bienveillance un peu genee “j’ai bien aime vos chansons, monsieur, est-ce que vous voules venir chez moi boire un verre avec vos amis? J’habite a deux pas…”

    Après Rivat et Thomas, Lemesle est le troisième à rejoindre l'aventure Dassin. Pour toujours. Le 3 mai, "Les Dalton" sortent en face A, avec une pochette ne privilégiant aucun titre. Le disque est un des succès de l'été. Ce sera le dernier super-45 tours de Dassin, et aussi la dernière chanson comique de Joe. Les créations suivantes de ce style, signées par Joe, seront interprétées par Carlos. Fort de cette réussite, la rentrée est survoltée. Plait n'a qu'une hantise, trouver des chansons fortes, pour enchaîner les succès, comme il l'avait déjà fait pour Sheila. Joe est plus relax, il signe "Bébé requin" pour France Gall et écrase l'autre titre du disque écrit par Gainsbourg, provoquant la fin de la collaboration de Serge avec France. Joe est un chanteur populaire, certes, mais il veut enregistrer aussi des chansons qui resteront. Pour contrebalancer le "coup" des "Dalton", à l'automne 1967, il reprend un titre de Bobby Gentry, "Ode To Billy Joe", qui devient "Marie-Jeanne". L'adaptation est une traduction fidèle de l'original par Rivat. En face B, c'est une chanson plus "logique" avec le tube précédent, "Tout bébé a besoin d'une maman", toujours signée Rivat. Si le titre de la face A est un risque commercial évident, il est bon pour l'image du chanteur. Arthey dirige les musiciens à Londres début octobre, Joe enregistre les voix à Davout dans la première quinzaine, 200 prises pour "Marie-Jeanne"... pour finalement retenir la première. Le disque sort le 17 octobre, avec, pour la deuxième fois, un dessin en guise de pochette. Les radios boudent la face A au profit de la face B. Joe commence à comprendre que peut-être il est trop beau et trop jeune pour chanter certaines chansons. Il comprend mais n'accepte pas. A la même époque, Joe enregistre des chansons pour terminer son deuxième LP (on commence à dire album). Deux nouveaux titres, dont les textes sont signés Claude Lemesle, et quatre chansons qui restent en américain. C'est une grande première sur le marché hexagonal. Le LP sort en novembre. Pour les fêtes.

1968

    Le succès de Joe se confirme chaque jour un peu plus, mais il a besoin de transformer son essai, de finir numéro un au hit-parade. Lors d'un voyage en Italie avec Jacques Plait, durant lequel il fait la promotion de cinq de ses chansons, il entend des chansons "potentielles". Lui, qui n'a toujours regardé que vers l'Amérique, pourrait peut-être trouver, au pays des mandolines, de futurs succès. Joe et Jacques rentrent à Paris, les valises pleines de disques. Vers le 19 février, l'équipe à Jojo se retrouve à Londres. Objectif : le méga-tube. Au studio du 129 Kingsway, chez De Lane Lee Music, l'ambiance est survoltée. On enregistre quatre titres dont une adaptation trouvée en Italie, "Siffler sur la colline" et, un original signé Rivat, "La bande à Bonnot". Quelques jours après, pour les voix, l'excitation est à son comble. Plait pressent un tube. Le 4 mars, les quatre titres sont mis sur le marché en deux simples, presque en même temps.

    La révolte gronde en France. Le Général de Gaulle tremble. Joe, contrairement aux yéyés qui, hués, doivent s'exiler, devient un héros de la "révolution". La France entière siffle sur la colline, un petit bouquet d'églantines à la main. Le printemps et l'été arrivent et les chansons de Joe sont sur toutes les radios. Seule inquiétude de ces temps mouvementés, les "réassorts", les réapprovisionnements des disquaires. Joe en profite pour enregistrer, le 25 avril, ses deux premiers titres en italien, qui sortent en juin sur le marché péninsulaire. Il resigne également son contrat avec CBS le 26 juin, juste avant de partir, le 29, faire sa promotion en Italie. Comme les deux chaînes de l'ORTF sont occupées par les étudiants qui manifestent, la chanson française s'est réfugiée sur la RAI. Joe ramène de ce séjour en Italie un souvenir de Sylvie Vartan et de Carlos, rencontres sur un bateau. Avec Carlos, une amitié est en train de naître. Celle-ci va se conforter lors d'un reportage en Tunisie pour le journal à la mode, Salut Les Copains, dit SLC. A la rentrée, l'équipe CBS s'étoffe d'un nouvel attaché de presse, Robert Toutan. Ce dernier surveillera désormais l'image de Joe. En novembre, toujours à Londres pour les musiciens, et à Paris (Davout) pour les voix, Jacquot et Joe enregistrent quatre titres, trois tubes. Comme pour les deux disques précédents, c'est un tir groupé, deux nouveaux simples sortent en parallèle, en novembre. "Ma bonne étoile" est une adaptation de l'italien par Delanoë, "Le temps des oeufs au plat" est signé Ricky Dassin et Claude Lemesle. De son côté, "Le petit pain au chocolat" est adapté de l'italien, toujours par Delanoë. L'industrie du disque vit une période de crise, aussi CBS ne met pas d'album sur le marché pour les fêtes. Le 10 novembre, Joe chante "Ma bonne étoile" dans Télé-Dimanche, et la France capitule. La fin de l'année est explosive. Les brioches jalousent les pains au chocolat dans les boulangeries républicaines, et les boulangères doivent à Joe, après Pagnol, le plus beau de leur lifting. Certaines iront même jusqu'à changer leur enseigne et à se baptiser "Au petit pain au chocolat", prouvant que Joe est bien plus qu'un chanteur. Désormais, il est un phénomène social. A un tel point que CBS ne peut plus fournir les commandes des disquaires, et qu'un groupe anglo-saxon, les Tremeloes, adapte ses titres ramenés d'Italie. Galvanisés, le 26 novembre, Joe et Jacques s'envolent pour Montréal via New York. Le 29, commence une semaine d'interviews au Québec: Montréal, Trois Rivières, Québec, puis Ottawa au Canada anglophone. L'accueil est fabuleux. La promotion sans pareil. Tout va très bien à l'exception d'une absence totale de mise en place chez les disquaires ! Les lumières balisent la piste d'Orly et les vitrines des grands magasins pour Noël. Joe est rentré. Avec Maryse, ils fêtent la nativité dans leur nouveau cinq pièces rue d'Assas et rêvent d'un enfant.

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