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LA DOUBLE VIE DE JOE DASSIN

    Il existe deux Joe Dassin. Celui de la légende et celui de l'effort. Celui de a biographie officielle — véritable petit catéchisme pour fan inconditionnel — présente un portrait doré sur tranche. La dernière icône accrochée au temple du show-business, où les fidèles — en jeans et minijupettes — viennent hurler leur foi. Il est beau, il est grand, il est fort, il a du talent, il chante bien ! Alléluia ! Il a fait un malheur à l'Olympia en mars dernier ! Les directeurs de salles se l'arrachent ! Il “ bourre ” les casinos ! Il fait la fortune des gens qui travaillent avec lui ! Alléluia ! Alléluia ! Il achète des petits pains au chocolat, court siffler sur la colline, puis galope avec les Dalton en faisant Bip ! Bip ! avant de demander qu'on lui fasse de l'électricité sur les Champs-Elysées ! Et le voilà maintenant milliardaire grâce à toutes ces chansons. Alléluia ! Alléluia !

    Mais il existe un autre Joe Dassin, plus discret, dont la vie et le caractère peuvent servir à expliquer son succès ; il est également l'ombre de parents immenses. Son père d'abord, le cinéaste Jules Dassin, auteur de " La Loi ” et Celui qui doit mourir ”, chassé des Etats-Unis en 1954 à cause de ses opinions de gauche. Sa mère, musicienne classique d'origine russe. Et sa belle-mère, Mélina Mercouri, militante du parti socialiste grec.

    Elevé dans cette atmosphère intellectuelle et artistique tumultueuse, c'est par hasard que Joe Dassin vient à la chanson, en cherchant une voie qui lui soit personnelle et qui ne nécessite pas obligatoirement l'aide que la gloire de son père pourrait lui apporter.

    Il ne refuse pourtant pas d'être son assistant lors du tournage de “ Topkapi " et poursuit même l'expérience cinématographique sans le concours de son père. Il est assistant pour “ What's new Pussy Cat ”, puis acteur dans <• Lady L ” de Peter Ustinov. Mais ce chemin n'est pas celui qu'il désire parcourir.

    Depuis l'âge de onze ans, trimbalé des Etats-Unis en Europe à cause de l'exil de son père, il n'a pas le temps d'asseoir une stabilité qui lui permettrait des choix définitifs. Etudiant à Rome, Londres, Paris, Savigny-sur-Orge, Genève, Grenoble (où il passe son bac), il retourne aux Etats-Unis avec l'intention de devenir médecin. Mais il ne supporte pas de disséquer des cadavres ! Il fait alors plusieurs métiers pour gagner sa vie : plombier, éboueur, camionneur, etc... Et puis, il chante dans les cabarets d'étudiants. Comme ça... Pour se distraire... Parce que tout le monde le fait...

    Et c'est également “parce que tout le monde le fait” qu'il enregistre un premier disque en France. Succès d'estime. Alors commence l'expérience de l'autre Joe Dassin. Celui de l'effort. Il décide de dominer ce métier de chanteur qu'il a approché par hasard. Il lui plaît, il s'accroche. Etudie. Compare. Planifie. S'entoure d'une équipe et finalement, en 1968, sort le “fin des fins” dans le petit monde de la chanson: un tube. Ce sont les Dalton qui le portent au pinacle de la célébrité. Ce premier succès lui permet alors de travailler avec sérénité et ténacité. Cinq ans plus tard, il pourra dire : “Une chanson, c'est une bribe de magie qui vous trotte dans la tête et qui vous distrait. Je suis là pour faire plaisir aux gens. Le public, c'est mon patron. Il me fait vivre.”

    Les grands chanteurs américains lui ont permis d'assurer la plénitude de son métier par leurs conseils et leurs exemples. Fanatique d'Elvis Presley “qui demeure le plus grand spécialiste de la scène”, il l'observe et affirme : “Dans le métier, savoir bien vieillir est une chose rare. Lui, c'est pire que tout, il rajeunit de jour en jour.” Et c'est ainsi bien entendu que Joe Dassin rêve de mener sa carrière.

    Derrière le succès de ses disques, dans la coulisse de sa vie privée qu'il tient à préserver soigneusement, Joe Dassin montre un caractère exigeant et tolérant à la fois, une perspicacité et une ouverture d'esprit sur le monde en général que l'on ne rencontre pas toujours — tant s'en faut — sur la planète du show business. Si les chansons de Joe Dassin sont légères et distrayantes, les propos de l'homme possèdent, eux, un poids plus éloquent. Et c'est sans doute à ce fond de son caractère qu'il doit une part importante de sa réussite, mais aussi la jalousie, l'envie et les propos venimeux qui font les délices des entractes et des loges.

    “Il a une tête énorme!”, disent les uns, “Ses chansons sont dégueulasses”, affirment les autres, “ses ventes sont truquées”, chuchotent le chœur des pleureuses. A ceux qui l'accusent de n'être qu'un amuseur et d'appartenir à la grande confrérie des chanteurs qui ne vivent qu'en montrant leur derrière, il répond — faisant allusion à une célèbre affiche — : “Les fesses de Polnareff sont beaucoup moins dangereuses pour l'avenir de l'humanité que les bouteilles en plastique indestructibles”.

    Ces propos nets et catégoriques qu'il tient en privé tranchent avec l'image qu'il donne de lui. Dandy vêtu de blanc, voix douce de chanteur de charme, rythmes vifs sans agressivité, danseur et guitariste appliqué, il semble sortir d'une bande dessinée aux couleurs vives, bien léchées, destinées à idéaliser un monde où tout ne serait que calme, douceur de vivre, charme et tendre ironie.

    Mais cette image-là est un produit artistique, voulu, désiré, fabriqué avec acharnement en surmontant les difficultés de la vie dont il ne parle jamais dans ses chansons. Le Joe Dassin tendre et pastellisé qui apaise pour un soir les inquiétudes d'un public traumatisé par l'existence quotidienne est une fabrication de l'homme Joe Dassin qui possède une combativité bien réelle.

    La preuve : son prochain projet. Conquérir l'Amérique. Il y travaille actuellement avec la même discipline, la même méthode, la même professionnalité que mettrait un homme d'affaires à conquérir un marché économique. Et cela réussira vraisemblablement puisque déjà les producteurs américains rachètent ses chansons et ses arrangements en pensant qu'il s'agit de créations françaises alors que, dans la plupart des cas, il s'agit d'adaptations d'œuvres américaines!

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